samedi 22 novembre 2014

Explorations (2)

Ma réflexion sur Divergence reprend après quelques mois de pause. Pendant ce temps elle s'est développée lentement, en toile de fond. J'ai pris quelques notes, examiné et rejeté certaines idées. Et j'en ai raffiné d'autres. Pourquoi cette pause ? De nombreuses raisons : le boulot, intensif comme tous les débuts d'années. Le jeu de rôle, la fin des vacances d'été c'est la rentrée des campagnes aussi, et donc plus de temps passé à jouer autour d'une table qu'à écrire. La santé aussi, des ajustements importants à prendre en compte. Mais le projet n'est pas mort pour autant !

Parlons donc un peu de Divergence. Et parlons d'exploration en particulier.
Ma vision du jeu évolue au fur et à mesure de mes expériences de jeu, de mes discussions, écoutes et lectures. En ce moment la notion d'exploration du monde de Divergence me parait de plus en plus importante. Je pourrais décrire un monde complexe, bourré de cultures et de civilisations, d'histoire et de légendes. Je l'ai déjà fait (avec de l'aide) pour d'autres projets plus anciens (Le cycle des Lunes, jdr fantasy qui me suit depuis 20 ans, et que ressort régulièrement des cartons). Mais ce n'est pas ce qui m'anime pour Divergence. Toutes les tables de joueurs que j'ai entraîné sur Khendrir, le monde du cycle des lunes, ont évolué dans le même univers, ils ont rencontré les même peuples et s'ils se rencontraient et en parlaient (pour peu qu'ils s'en souviennent) ils partageraient des références communes.

Mais j'aimerai que chaque campagne de Divergence puisse être différente. Que le monde soit exploré autant par le MJ (à défaut d'un autre titre pour le moment) que par les joueurs et leurs personnages. Pour ce faire un système de création à la volée me semble intéressant. En fait il me parait même utile de créer une procédure d'exploration qui pourrait évoluer de paire avec la narration et le système de résolution du jeu.

Plusieurs éléments me semblent intéressants pour remplir cet objectif, principalement :
- un système de carte mentale (ou carte heuristique ou mindmap)
- un système de complication/compensation permettant de définir avec précision les degrés de liberté du MJ et des joueurs.
- un système de traits/mots-clefs/aspects permettant de donner au corps aux régions visitées
- un système de prise en compte de l'apparition de la nouvelle région explorée dans le cadre de jeu général, permettant de l'intégrer en cohérence avec le monde déjà défini.

C'est ambitieux. Voici quelques points de réflexion à ce sujet.

Procédure d'exploration
  1. les joueurs choisissent une région à explorer, ils définissent ensemble (à travers le prisme des personnages débattant entre eux) une série de traits qui les intéressent pour cette région (en terme de fiction, plutôt que d'explorer les zones hexagone par hexagone; les personnages définissent ce qu'ils cherchent, ils ne partent à priori pas non plus à l'aventure au hasard, je ne suis cependant pas encore fixé sur ce point). Ils vont réaliser un classement par priorité de ce qu'ils veulent obtenir, par exemple : 
    1. richesses minérales
    2. accès facile
    3. pas de présence indigène 
    4. climat clément
  2. Face à cette déclaration, le MJ va fixer une difficulté, dont l'ampleur dépendra principalement de la rareté du critère principal recherché par les joueurs (Il y a ici un point de cumul et d'influence du monde déjà découvert à prendre en compte, par exemple on peut imaginer que le MJ consulte la carte mentale de la planète déjà en place, et comptabilise le nombre de fois où le même mot clef a déjà été utilisé. Il multiplie ensuite ce nombre par 5 ce qui donne la difficulté de base du jet de dé). Il pourra ensuite modifier la difficulté du jet de dés en fonction de l'interprétation des personnages (ou le système est-il trop subjectif ?). 
  3. Une fois la difficulté annoncée, les joueurs peuvent choisir de la diminuer en échange de complications qu'ils mettent entre les mains du MJ. Ces complications sont des mots clefs "défavorables" aux objectifs des personnages, que ça soient des obstacles nouveaux, et imprévus, des conditions généralement défavorables, un coût imprévu, l'intervention d'un PNJ etc... Chaque complication diminue la difficulté du jet d'un facteur fixe. Chaque complication rejoint la description de la région dans la carte mentale. 
  4. La parole revient alors au MJ qui peut décider de son propre chef d'ajouter des complications supplémentaires sans changer le niveau de difficulté et potentiellement en secret. Cependant chaque complication imposée de cette manière demandera une compensation envers les personnages. Ces compensations peuvent être des récompenses supplémentaires pour les personnages (qu'ils réussissent à trouver ce qu'ils cherchent ou non), des éléments qui leur facilitent la vie ou augmentent leur prestige, qui les font briller... Bref qui fassent passer la pillule. En clair, le MJ peut acheter le droit d'être une ordure avec les personnages. Attention, il parait important dans ce cas de ne pas lier les compensations à la réussite des actions des personnages. Encore une fois chaque complication vient rejoindre la carte mentale de la région. Si le MJ veut garder la complication secrète, il le note sur sa fiche de campagne (l'idée est embryonnaire, mais si les joueurs disposent d'une fiche de personnage, le MJ devrait disposer d'une fiche de campagne qui rassemble un certain nombre d'informations sur la campagne).  A l'issue de la phase 4, la région doit comporter au moins une complication, qui peut être secrète. 
  5. Une fois la négociation terminée, les joueurs lancent les dés (un seul jet de dé par exploration). Si l'action est réussie, le premier trait de la liste de priorité rejoint la description de la région sur la carte mentale. Si la réussite est exceptionnelle, chaque cran de réussite ajoute un trait de la liste. Si le jet échoue, les personnages n'ajoutent aucun trait à la carte. 
  6. L'exploration peut alors commencée, on considère en général que les traits découverts ne peuvent être exploités que si les personnages triomphent des complications prévues par le MJ, la narration reprend le dessus et le groupe s'engage dans cette nouvelle région. 
  7. Une fois toutes les complications résolues, la région gagne le trait : "Explorée", une région explorée ne peut être l'objet d'une nouvelle exploration (sauf si elle a subi suffisamment de bouleversements pour perdre ce trait). 
Exemple de carte mentale simple obtenue


jeudi 24 juillet 2014

Le cas idéal

J'écoute pas mal de podcast, j'ai récemment découvert le Jankcast (jankcast.com). Lors d'une de leurs émissions à propos d'éléments de game design, une intervenante a mentionné un conseil de Ron Edwards, en gros : "Pense à la chose la plus cool que tu veux faire avec ton jeu, et pars de là".
Alors évidemment je me suis posé la question, qu'est serait la partie idéale (telle que je peux l'imaginer aujourd'hui évidemment) de Divergence ? Et celle qui suit forcément dans cette démarche : comment faire en sorte que cela arrive le plus souvent possible. 

Ma partie idéale nécessite plusieurs éléments : des joueurs impliqués, une fiction significative qui fait intervenir les thèmes du jeu, des règles qui tournent et permettent d'encourager les points précédents. C'est assez basique en somme, mais précisons quelques éléments : 
- des joueurs impliqués : je parle là des joueurs au sens large, maitre du jeu compris. Un joueur impliqué s'intéresse à la fiction, est moteur dans sa construction et en profite. Il ne s'agit pas rester sérieux à tout prix, mais j'aimerai que les fous-rires, la joie ressentie autour de la table soit en rapport au moins un peu avec la partie en train de se dérouler et pas du récit des faits d'armes des vieux rolistes ou de citations de Kaamelot (même si j'adore ça). A une époque, nous étions très impliqués dans la pratique du GN vampire. Nous avions coutume de jouer tous les samedi soir ou presque dans une assoc ou un autre en région parisienne (nous organisions une partie par mois dans notre assoc et il y a eu jusqu'à 5 assoc en régio parisienne simultanément). Le vendredi soir était souvent réservé au jdr sur table et nous nous efforcions de fixer une règle : pas de cama pendant nos parties de jdr, sinon on était sur d'y passer des heures et des heures et d'oublier le jeu en cours. Si je parle ici d'implication et non pas d'immersion c'est parce que si l'immersion me parait importante et souvent souhaitable je n'en fait pas une condition de partie idéale. En particulier si j'aime particulièrement le jeu théâtral autour d'une table de jeu, je pense qu'on peut être impliqué dans le jeu sans avoir besoin d'en faire des tonnes. 

- une fiction significative : Divergence traite de plusieurs thèmes, principalement l'identité et la colonisation. Ce n'est pas un jeu politique ou moraliste, mais en confrontant les joueurs à ces thèmes, la copie divergente contre son original et le point de vue de chacun vis à vis du monde en train d'être colonisé, certaines interrogations peuvent surgir. Et des interrogations qui surgiront chez des joueurs placés en responsabilité : ils décident au début d'une campagne ou d'une série de parties, l'état de la planète qu'ils vont être amenés à coloniser. S'ils décident que la planète contient déjà une population intelligente, le jeu devrait pousser les personnages à interagir avec elle et le joueur se retrouvera avec des choix à faire : se comporter en conquérant (pas nécessairement militaire) ou prendre en compte la présence. S'il décide de commettre des atrocités, il en sera responsable et ne pourra pas dire "oui mais c'est le contexte du jeu qui veut ça" puisqu'il aura décidé du contexte du jeu. Le joueur pourra de plus faire apparaître l'évolution de son point de vue, à travers la divergence entre Sénateur et Drone. L'attitude de base étant dictée par le sénateur, l'évolution de celle-ci suivant l'accumulation de traits divergents par le drone. 

- les règles : elles doivent pouvoir permettre de matérialiser très concrètement l'évolution de la divergence, et prendre en compte les spécificités du jeu. J'en ai déjà parlé je n'y reviendrai pas plus ici, mais les choses se construisent petit à petit.

Finalement cette réflexion m'a fait prendre conscience que si je désirai aborder les thèmes de l'identité et de la colonisation dans Divergence, il fallait que les joueurs rencontrent une adversité (au moins potentielle) vis à vis de ces thèmes. A la base lors de la création de partie, les joueurs pouvaient opter pour un monde sans présence d'intelligence, l'adversité étant alors manifestée par les facteurs climatiques, géologiques, du monde colonisé. Mais désormais, s'il me parait toujours important de laisser le choix aux joueurs d'une planète initialement vierge (pour permettre la responsabilisation des joueurs face aux actions coloniales), je me demande si je ne devrais pas dans ce cas prévoir une autre forme d'adversité, peut être même qui renverse un peu la balance : si vous ne choisissez pas d'autochtones, une force extérieure à la planète arrivera à peu près en même temps que vous, pour les même raisons que vous. Vous devrez donc lutter pour votre survie non pas contre des indigènes locaux mais contre les forces extraplanétaires.

jeudi 19 juin 2014

Système de résolution

Je l'ai déjà évoqué dans les autres billets de ce blog, il me parait à ce stade intéressant de présenter l'idée primaire de la mécanique de Divergence.

Lorsque un personnage de Divergence est confronté à un obstacle ou un conflit le système de résolution intervient : 
- si le conflit ou l'obstacle ne sont pas particulièrement chargé d'enjeu, aucun jet n'est nécessaire. 
- s'il n'y a aucun doute sur l'issue de l'obstacle ou du conflit, aucun jet n'est nécessaire. 
- sinon, un jet de dé est nécessaire pour résoudre le conflit. 

Dans un conflit, on distinguera plusieurs positions :  
- drone actif, c'est à dire celui qui lance les dés et réalise l'action
- drones secondaires, qui sont présents et peuvent apporter leur soutien à l'action (ou non)
- adversité, qui s'oppose à la réalisation de l'action

Bases de l'adversité

Dans Divergence, l'adversité est représentée par un seuil de difficulté fixé. Le maître du jeu ne lance jamais les dés. le seuil de difficulté est amené à varier en fonction de quelques règles précises. 

J'ai prévu comme point de départ une escalade des niveaux de difficulté, les premiers obstacles étant très facile à franchir, les suivants beaucoup plus difficiles. 

Lors de l'élaboration du projet auquel vont travailler les drones pour la session, les joueurs choisissent le nombre d'obstacles, sans les définir. Donc plus le nombre d'obstacle est important, plus les gains seront importants une fois le projet accompli mais plus les dernières étapes seront difficiles à franchir. 

Pour prendre un exemple concret : si le projet qui a emporté le vote du sénat comporte 4 obstacles.

Le premier aura une difficulté de 6 (ce qui correspond dans des conditions classiques à une chance de réussite de 94%, 99,6% si le drone reçoit le soutien d'un de ses confrères).
Le second obstacle aura une difficulté de 10 (72% drone seul / 94,4% avec un soutien). 
Le troisième obstacle aura une difficulté de 14 (36% drone seul / 78% avec un soutien).
le quatrième obstacle aura une difficulté de 18 (10% drone seul / 50% avec un soutien).

Autant dire que la réussite est quasiment assurée lors du premier obstacle et qu'un jet de dés ne serait pas nécessaire, sauf si les joueurs désirent prendre des risques et obtenir une réussite de qualité supérieure, et les bonus qui vont avec.

Comme des difficultés fixes ne prendraient pas en compte la fiction mise en place à la table de jeu, j'ai prévu une variation de -2/+2 au seuil de difficulté des obstacles. Je ne suis pas sur que ça soit suffisant, mais une variation plus grande risquerait de rendre caduque l'idée d'escalade des difficultés... 

(J'ai aussi en tête une option pour le MJ de permuter des difficultés : obstacle 1 diff 6, obstacle 2 diff 14, obstacle 3 diff 10, obstacle 4 diff 18 par exemple. A tester.)

Prise de risque

J'en discutai récemment avec un ami de quasi 20 ans (putain 17 ans qu'on se connait...) qui me disait que les systèmes qu'il respectait le plus en jdr étaient les systèmes où les joueurs pouvaient décider de leur prise de risque lors d'un conflit plutôt que d'être uniquement confrontés à un seuil fixe avec le résultat des dés décidant de la qualité de la réussite. Avec en exemple le système de la légende des 5 anneaux et ses augmentations, qui impliquent un pari de la part du joueur. L'idée est la suivante : une action propose un niveau de difficulté définie, si ce niveau est battu l'action réussie, sinon c'est raté. 
Dans beaucoup de jdr on détermine la qualité de la réussite en comparant la valeur du jet de dé au seuil de réussite, mais ici cette marge de réussite n'a aucune espèce d'importance. 

L'important c'est que le joueur, connaissant le niveau de difficulté au départ, va parier pour obtenir une qualité supérieure de réussite, augmentant le niveau de difficulté de l'action. S'il le bat, le résultat gagne en qualité, s'il le rate, l'action échoue probablement à cause des risques qu'il a pris. 

Je pense prendre un système similaire pour Divergence, en appliquant des multiplicateurs sur les seuils de difficulté. Ce qui donnerait les résultats suivants : 

Deuxième étape et réussite simple (seuil de 10) 72%  / 94,4% comme nous l'avons vu plus haut. 
Deuxième étape et réussite de bonne qualité (pari sur un seuil x2 donc 20) : 3% / 35,2%
Deuxième étape et réussite exceptionnelle (seuil x3 donc 30) : na / 0,4%

Avec la variation -2/+2 évoquée plus haut : 

Seuil de 8 : 85% / 98%
Seuil de 8 x 2 = 16 : 21% / 64,8%
Seuil de 8 x 3 = 24 : 0% / 12 %

Plus on prend de risque plus la fiction prend d'importance dans la résolution des conflits, c'est un effet qui me plait. 

Le seul défaut de ce système est l'absence des réussites et échecs critiques aléatoires qui font monter l'adrénaline lors de nombreuses parties de jdr. C'est une approche différente, c'est certain. 

Bien entendu ce sont des concepts qu'il faudra prochainement confronter à des tests pour vérifier s'ils fonctionnent et pour ajuster les niveaux de difficulté éventuels. 

C'est tout pour aujourd'hui ! 

lundi 16 juin 2014

Un univers clef en main ?

Comme tout bon vétéran du loisir rôliste, j'ai imaginé plusieurs univers de jeu au fil des ans. Certains se sont vus dotés de systèmes de jeu, deux ou trois ont été testés plus ou moins intensivement et l'un d'entre eux a donné lieu à de très nombreuses heures de jeux avec au moins une vingtaine de joueurs différents. Ces précédents projets sont tous nés d'une démarche relativement classique : créer un univers de jeu, le décrire avec son histoire et ses particularités, ses secrets, les peuples qui y vivent, les cultures qui y fleurissent etc...
J'ai aussi pris beaucoup de plaisir à conceptualiser l'origine de la magie pour le Cycle des Lunes, un jeu de fantasy. Cela a d'ailleurs été je pense le premier système que j'ai imaginé pour coller spécifiquement à un jeu et un univers avec des objectifs de game design pleinement réfléchis. 

Mais que faire pour Divergence ? J'ai toujours soutenu l'idée qu'un système de résolution devait correspondre à l'univers et l'ambiance du jeu qu'il gouvernait. Mon évolution me conduit aujourd'hui à raffiner cette idée pour mettre en adéquation système et objectifs d'un jeu, liés son univers certes mais aussi et surtout au propos développé dans le jeu. J'en reparlerai prochainement en ce qui concerne Divergence

Devrais-je ici développer l'univers de jeu au delà des bases déjà posées qui sont à mon avis suffisantes pour jouer, ou devrait-on laisser la liberté à une table de jeu de créer son univers de jeu lorsque les participants décident de se lancer dans l'aventure de Divergence ? Proposer un univers construit, avec ses secrets et ses enjeux a l'avantage à mon avis de faciliter l'accès au jeu, mais cela imposerait la vision que j'ai du jeu à un moment donné. 

Je pense proposer un système souple. Dans le chapitre de création de partie, la définition d'un certain nombre de points fixes de l'univers de jeu est laissée à l'appréciation des joueurs et du MJ. Je m'inspire ici de ce qui se fait par exemple dans Dresden Files RPG, motorisé par le système FATE. C'est un jeu de fantasy urbaine dans lequel les joueurs définissent ensemble la ville dans laquelle ils vont évoluer, les grands acteurs qui interviendront et les grands thèmes qui gouverneront les parties qu'ils joueront. 
En parallèle, je voudrais proposer une interprétation possible de l'univers de Divergence, à la fois à titre d'exemple illustrant le processus de création et comme proposition clef en main pour les groupes ne désirant pas passer par ce processus créatif. 

La création d'un univers de jeu pour Divergence se déroule en trois étapes  : 
  1. Décrire la planète où s'installeront les colons
  2. Décrire les principes fondateurs de la colonie
  3. Décrire l'arche qui transporte les colons
  4. Décrire la zone géographique à coloniser au début du jeu
Lors de la première étape il s'agit de tracer à grands traits le type de planète destinée à accueillir la colonie. Est-ce une planète habitable d'emblée ou devra-t-elle être terraformée par les drones ? A quel type de planète a-t-on affaire ? une planète océan avec peu de terres émergées ? une planète gelée dont la surface est inhabitable mais dont les profondeurs peuvent être aménagées ? Une planète qui est en fait une lune d'une géante gazeuse ? Est que la planète abrite des formes de vie ? Des formes de vie intelligente ? Une civilisation ? ou peut être les ruines d'une civilisation disparue ? 

Il parait évident que la réponse à un certain nombre de ces questions orientera fortement le type de fiction proposé au cours du jeu. Par exemple si la planète n'est pas habitable, les personnages devront lutter contre l'environnement pour s'installer, alors que si elle l'est et abrite même une civilisation indigène, c'est contre ces autochtones qu'il faudrait lutter. La résistance proposée aux actions des joueurs sera en grande partie définie lors de cette étape. 

Mais tout ne doit pas être fixé, gravé dans le marbre. Le joueur qui assumera le rôle de MJ doit pouvoir introduire des secrets et des rebondissement dans la fiction. 

La seconde étape de création consistera à décider des principes fondateurs de la colonie. Qui sont ces colons qui ont décidé de quitter leur foyer pour construire un nouveau monde ensemble ? Formaient-ils déjà une communauté (religieuse, culturelle, politique, corporatiste ?) ou ont ils été recrutés pour l'occasion (entreprise commerciale, condamnation à un bannissement ?). Quels sont les projets sociaux, politiques, technologiques, religieux pour la colonie ?

Prenons un exemple pour illustrer ce propos. Notre  colonie sera fondée par une branche de l'église chrétienne désirant obéir aux commandements bibliques "croître et se multiplier". Sur terre des lois de contrôle de la population interdisent d'avoir plus de deux enfants par foyer. Les fidèles ont donc rassemblé leurs ressources, fait appel à des dons et reçu des subventions pour fonder une colonie sur une planète lointaine. Sur place ils désirent fonder une société traditionnelle, obéissant aux lois religieuses, dont la technologie maîtrisée facilitera leur vie sans les priver du dur labeur qui fait de leur séjour terrestre une occasion de gagner une place au paradis. La plupart des fidèles passeront leur voyage en hibernation, alors que les patriarches et matriarches formeront le sénat préparant la colonisation.

Après avoir défini ce que sera la colonisation et de quoi elle part, il faut déterminer la situation au début du jeu à la fois dans l'Arche qui transporte les colons et dans la région à coloniser sur la planète. Pour l'arche, les joueurs ont la liberté de définir un certain nombre de PNJ appartenant au personnel navigant, la troisième caste des arches. Et sur la planète il s'agit de construire les bases de la carte coloniale, c'est à dire l'environnement immédiat du point de chute du Cargo, le vaisseau ayant transporté les drones.

Alors, chers lecteurs qu'en pensez vous ? En mettant en oeuvre ce processus de création, guidé par une série de questions et de rubriques à remplir, est-il nécessaire ou utile de proposer un univers clef en main pour le jeu ? 

lundi 19 mai 2014

Evolution des personnages

Dans Divergence l'évolution des personnages demande une attention particulière. Dans l'Arche, les sénateurs débattent, avancent sur leurs projets, envoient des ordres et reçoivent les mise à jours incomplètes des drones divergents. Sur la Colonie, les drones accomplissent leurs tâches et changent peu à peu, ils se différencient et développent leurs propres intérêts, motivations et objectifs.
Dans Divergence un personnage expérimenté n'est pas nécessairement plus puissant qu'un autre, il est simplement devenu différent de ce qu'il était au départ, probablement plus polyvalent, avec un accès à de nouvelles options.

Contrairement à la majorité des jeux de rôle, il me semble important que l'évolution ait lieu pendant les parties, qu'elle s'intègre à la partie. De cette manière, en appliquant les changements immédiatement plutôt que d'une séance sur l'autre, les joueurs pourront les faire intervenir dans leur narration et ressentir directement la divergence.

Les personnages de Divergence disposent de deux jauges dont la valeur va évoluer au cours du jeu :
  • le prestige des sénateurs
  • la divergence des drones
Le système du jeu permet de gagner des points dans ces jauges, de manière objective, et de manière subjective. L'évolution des personnages demande la dépense de ces points. 

En dépensant du prestige, le sénateur peut apporter des avantages aux drones, développer de nouveaux intérêts, objectifs et motivations. 

En dépensant de la divergence, le drone peut gagner ses propres intérêts, objectifs et motivations. Il peut aussi faire évoluer son identité en se détachant peu à peu de celle du sénateur. 

Dans l'état actuel des règles, voici comment fonctionne le système :

Lorsqu'un personnage doit triompher d'un obstacle, il jette un certain nombre de dés. Si le test est réussi, un certain nombre de points de prestige (et/ou de divergence) est gagné par le personnage et les personnages qui l'ont soutenu. Des points peuvent être perdus par les personnages qui se sont opposés à l'action. Et inversement en cas d'échec.
Mais la lecture des dés apporte aussi ces points. Les doubles par exemple peuvent générer des points de divergence et de prestige.

L'idée est d'avoir une circulation relativement fluide de ces points et d'encourager les joueurs à les dépenser.

J'ai eu l'occasion de jouer à plusieurs jeux exploitant ces XP flottants, capables à la fois d'être utilisés pendant les parties pour des effets divers mais très impactant sur la fiction ou les mécaniques de jeu, et d'être dépensés pour faire progresser la fiche de personnage. Je suis souvent extrêmement réticents à dépenser mes points d'XP pendant la partie, même si ça met en péril mon personnage, le pousse au ridicule et peut faire intervenir une rupture dans la fiction. La limite étant généralement la fin potentielle d'un personnage.

Prenons un exemple concret de ce problème pour Divergence : un joueur a la possibilité dans certaines circonstances de soutenir l'action d'un personnage qu'il ne contrôle pas en dépensant le prestige de son sénateur. Le faire l'empêche d'utiliser ce prestige à modifier de manière permanente sa fiche de personnage.

Voilà une mécanique à tester avec attention, si le sacrifice est grand, l'appui sera rare mais probablement significatif. Si le sacrifice est faible, il pourra avoir lieu plus régulièrement, mais sera plus anodin aussi.
Un subtil équilibre doit être trouvé, qui à mon avis dépend du ressenti de la table de jeu autant que de ce qu'expliquent les règles du jeu.

Comment faire pour atteindre et surtout transmettre cet équilibre à un autre MJ ?


Le Rôle du MJ - suite

Merci à tous ceux avec qui j'ai eu l'occasion de discuter de Divergence.  Aurélien et Florian Menu, Globo, Sire Urial, Frédéric Sintes, Steve J.,  Benoit Chérel, Incarnation. Vos points de vue et vos arguments me permettent d'avancer.

Les idées présentées dans l'article précédent sur le rôle du MJ commencent à mûrir.

J'en arrive à la situation suivante : 

Dans Divergence le maître du jeu a plusieurs rôles :
- un rôle d’arbitre : il s’assure que les règles du jeu sont claires pour tous les participants, et qu’elles sont respectées.
- un rôle d’animateur : il anime la partie, distribue la parole et sert de médiateur si le besoin s’en fait ressentir.
- un rôle d’acteur : il joue les personnages qui ne sont pas incarnés par les joueurs.
- un rôle de conteur : il complète les descriptions des joueurs à propos de leur environnement. et il imagine des rebondissements, des mystères à propos de celui-ci.

Contrairement à beaucoup de jeux il n’a pas à proprement parler les rôles de :
- scénariste : Divergence n’utilise pas de scénario préparé à l’avance, en dehors d’une trame de révélations et rebondissements autour des personnages et de la planète.
- chef de partie : Le maître du jeu ne dispose pas d’une autorité absolue sur la narration et le déroulement de la fiction. Et il ne dispose pas non plus d’une autorité absolue sur les personnages, leurs motivations ou leurs objectifs. Cela ne l’empêche évidemment pas de proposer ou de suggérer des options aux joueurs.

Pendant la séance du sénat :
  • il incarne le président de séance, une IA chargée de gérer les temps de parole, et de faire respecter l'ordre pendant les discussions et de vérifier la validité des projets proposés par rapport aux règles du jeu.
  • il peut jouer des Nautes tentant d'influencer les sénateurs uniquement par la parole et la négociation.

Pendant l'action des drones :

  • il anime et gère la résolution des obstacles rencontrés par les personnages, à la fois en terme de narration et de mécanique de jeu(difficulté de base, plus modificateur d'appréciation de la table et du MJ; jugement encadré). Pour ce faire il prend en compte les éléments mis en place par les joueurs (thème de l’obstacle, cadre de l’obstacle principalement).
  • il comble les espaces entre les obstacles, que ça soit en mettant en place des ellipses, en laissant le temps aux joueurs et aux personnages de discuter, de faire du jeu théatral ou de gérer l’aspect technique des transformations de leurs persos.
  • il met en scène ses révélations et coups de théâtre pour améliorer la fiction tissée avec les joueurs.

Evidemment tout cela pourra évoluer avec les tests à venir !

vendredi 9 mai 2014

Le rôle du MJ

Depuis qu'à débuté le travail sur Divergence une question revient sans cesse : quel sera le rôle du MJ dans ce jeu. A mesure que les mécaniques du jeu se précisent, les mécaniques pré-test en tous cas, la place du MJ dans Divergence me parait de moins en moins évidente. Et à vrai dire je ne m'y attendais pas. En bientôt 25 ans de pratique du jeu de rôle, j'ai eu l'occasion de repousser les limites du schéma traditionnel du jeu de rôle mais sans vraiment les dépasser. J'ai offert du pouvoir narratif à mes joueurs en échange de points d'héroïsme dans Adventure ! le jeu de super héros pulp de White Wolf. Je leur ai demandé du contenu (un exploit, un allié, un ennemi) dans ma dernière campagne de Donjon et Dragon. J'ai utilisé leurs idées et leurs spéculations quand l'intrigue qu'ils imaginaient était bien mieux ficelée que celle que j'avais préparé à Vampire (en semi-réel) et à Nephilim (autour d'une table). Ma pratique du jeu a évolué de scénario écrits à quelques notes, jusqu'à privilégier l'improvisation à partir de deux ou trois idées de base et la façon dont la table réagissait à celles-ci. J'essaye de percevoir le type de jeu que les joueurs recherchent, et de leur apporter à la volée, parfois en leur faisant croire que c'était préparé depuis longtemps, alors que le rebondissement était naturellement arrivé, tiré de leurs craintes et de leurs spéculations autour de la table.
Hum. J'ai un peu honte en le disant.

J'ai eu de rares expériences de jeu vraiment différent. A vrai dire à part Houses of the Blooded, je n'ai jamais considéré le jeu de rôle à autorité partagée comme une terre intéressante à explorer. Même si HotB et ses dérivés m'ont ouvert des horizons assez considérables, j'ai eu peu d'expériences satisfaisantes au delà du one-shot.

Je disais que dans Divergence le rôle du MJ me paraissait de moins en moins évident. Pour le comprendre examinons la structure d'une partie idéale , c'est à dire telle que je l'imagine et la conçois à ce stade du développement du jeu.

Quand le jeu commence, les joueurs incarnent les sénateurs, des colons désignés pour diriger les opérations de préparation de la colonie à l'arrivée de l'Arche. Chaque sénateur présente à son tour un projet pour faire avancer la colonisation : construire des routes, installer une distillerie automatique, défricher une forêt, prospecter une zone vierge pour trouver du minerai, explorer des zones encore inconnues, bâtir des entrepôts etc... Quand chaque sénateur a présenté son projet, l'a défendu face aux questions des autres joueurs et en a déterminer les caractéristiques techniques (combien d'obstacles rencontrera-t-il par exemple), l'ensemble des sénateurs (et donc des joueurs présents autour de la table) procède à un vote. Chaque sénateur possède une caractéristique fluctuante de prestige qui représente le nombre de voix dont il dispose.
Le projet qui a recueilli la majorité des voix est transmis aux drones dirigeants présents sur la planète.

Le jeu passe alors dans sa seconde phase, pendant laquelle les joueurs incarnent les drones qui luttent contre l'adversité (en général, elle peut venir de nombreuses sources) pour accomplir le projet. Chaque joueur décrira à son tour un obstacle du projet, qui fera intervenir le système de résolution du jeu. Chaque obstacle franchi rapporte certains avantages au groupe et génère du récit pour nourrir la fiction commune.

Quel besoin y-a-t'il d'un MJ dans ce contexte ? Certes il peut assumer ses rôles traditionnels d'animateur : organiser la partie, s'assurer que les règles sont transmises, comprises et respectées, distribuer la parole et faire en sorte que le contrat social soit respecté par tous. Mais le cantonner à ces rôles parfois ingrats lui permettra-t-il de passer, lui aussi, une bonne partie ?

Un autre rôle du MJ me parait important, celui d'un générateur de rebondissement, capable d'ébranler la mécanique mise en place par les joueurs en leur ouvrant des directions nouvelles, en les confrontant à des choix essentiels. Pour pouvoir créer ces rebondissements il faut qu'il dispose d'une certaine autorité sur la fiction, mais une autorité qui ne serait pas absolue mais focalisée sur quelques éléments précis.

Reprenons le schéma de partie représenté plus tôt. Quand les sénateurs présentent un projet, les joueurs peuvent choisir d'y introduire une complication. La complication est en quelque sorte un appel pour que le maître du jeu participe à la construction de la fiction lors de la phase d'application des projets. A tout moment d'un projet avec complication, le MJ peut prendre le tour d'un joueur pour décrire un obstacle. Il n'est alors pas tenu de tirer un dé sur une table de thèmes mais fera intervenir un des rebondissements ou mystères du jeu, et offrira un secret au joueur qu'il remplace.

Cela demande un peu de préparation : établir une série de secrets du monde et une intrigue que le MJ pourra faire intervenir pendant les parties. Les modalités exactes doivent encore être trouvées, mais à l'extrême cela peut devenir l'équivalent d'un scénario de campagne d'un jdr traditionnel. Avec une différence : il n'interviendra que lorsque les joueurs lui ouvriront la porte. Voici un exemple bref mais concret :

Jensen Peters est un technicien de maintenance moteur de 2è rang sur l'Arche, à ce titre il passe la majorité de son temps dans des espaces confinés, à effectuer un travail épuisant mais nécessaire. Lors de sa dernière permission il a obtenu une semaine complète d'utilisation du drone de loisir de la famille Peters. Amoureux des grands espaces et de la montagne, il a dirigé le drone dont il partage toutes les perceptions vers une zone particulièrement prometteuse pour y pratiquer le vol à voile. Pris dans une tempête il s'est crashé dans une crevasse particulièrement inaccessible d'où il émet un signal de détresse quand les joueurs passent à proximité. La crevasse où il s'est abîmé contient un minerai rare, nécessaire à la croissance de nombreuses formes de vie végétales de la planète. C'est la première fois que les drones tombent sur un filon de cette ressources très précieuse. 
La découverte du minerai est la première révélation du MJ sur cet arc narratif. Après son sauvetage, Peters avouera au drône du joueur dont le MJ a pris la place qu'il a aperçu des formes étranges dans la caverne, rodant autour des cristaux (c'est le secret pour le joueur qui cède sa place). 
Lors d'une partie suivante, les personnages peuvent tomber sur des animaux se battant pour la possession d'un fragment de minerai, dont les sénateurs ont ordonné la récolte si des échantillons devaient être trouvés. Si les drones récupèrent du minerai ils se font attaquer par des animaux enragés. le joueur qui a été remplacé reçoit un rapport des laboratoires de la colonie qui lui indiquent que le minerai semble avoir un effet étrange sur les mémoires synthétiques des drones. 
et ainsi de suite. 


  • Première révélation : la planète abrite un minerai étrange, présent dans la majorité des formes de vie présentes à sa surface. 
  • Deuxième révélation : le minerai est assez rare et précieux pour que des animaux se battent pour sa possession. 
  • Troisième révélation et au dela : le minerai sert aux créatures vivantes à rester en contact conscient avec la planète. La planète est un gigantesque organisme symbiotique qui utilise le minerai pour contrôler ses habitants. 

Avec Divergence, j'ai envie d'un jeu en campagne, avec un début, un long développement et une fin.
Un des rôles traditionnel du MJ est d'introduire de la surprise, des rebondissements dans la fiction créée par la table de jeu. Une partie de ce rôle passera par les joueurs dans Divergence, je l'espère vraiment. Mais tous les joueurs n'ont pas la même créativité, et nous sommes nombreux à apprécier de pouvoir nous mettre en position de spectateurs au moins de temps en temps.

Ne serait-il pas intéressant de créer ce rôle de MJ, qui ne sera pas nécessairement fixe, ni tout le temps actif ?

mardi 6 mai 2014

Explorations

Dans un jeu comme Divergence (titre provisoire), les personnages seront amenés à s'interroger sur leur identité à mesure que la personnalité du drone et celle du sénateur s'éloigneront. Ils devront aussi parcourir la planète et y accomplir les projets désignés par le sénat (j'y reviendrai dans un autre article). Et pendant ce temps leurs relations avec les autres personnages du jeu évolueront.

Il m'est rapidement apparu que le thème de l'exploration serait essentiel dans ce jeu. En parallèle de l'exploration intérieure que représente la divergence, les drones devront explorer la planète qui les accueille pour préparer sa colonisation. Un certain nombre de jeux de rôle de qualité ont abordé le thème de l'exploration et de la colonisation. Il y a quelques années j'ai commencé une campagne sur la colonisation avec Blue Planet. Dans ce jeu, les terriens ont trouvé un trou de ver en périphérie du système solaire qui mène à Poséidon, une planète marine capable d'accueillir des colons sur ses nombreux archipels. J'avais proposé à mes joueurs d'incarner des terriens ayant signé pour établir une colonie dans une série d'île un peu éloignée des zones déjà colonisées. Je m'étais pas mal inspiré des descriptions et de l'ambiance décrites par Peter F. Hamilton dans l'Alchimiste du Neutronium. Nous avons vécus de très bons moments mais ne sommes jamais allé au bout de l'histoire. D'autres jeux comme Guildes, ou plus récemment Oltréé (du Grümph) permettent de vivre ce genre d'expérience. Oltréé en particulier a été une vrai découverte pour moi. Je n'y ai joué qu'une fois, lors d'une démonstration menée par Kalysto (qui officie désormais sur Radio Roliste). J'en ai gardé l'envie de m'y lancer un jour ou l'autre, peut être avec le groupe de joueurs qui a su me ramener à Donjon alors que je m'étais promis de ne plus y remettre les pieds après la fin d'une campagne sur la 4è édition. J'ai d'ailleurs envisagé un moment de demander l'autorisation au Grümph de reprendre son système de cartes, peut être le ferai-je d'ailleurs tant j'avais apprécié l'expérience. 

Mais c'est un autre jeu, non testé celui-là, mais à propos duquel j'ai entendu pas mal de choses sur la Cellule et sur le blog de son auteur, qui m'a offert l'idée que je trouve pour le moment la plus séduisante pour faire fonctionner mon système d'exploration. Ce jeu c'est Inflorenza de Thomas Munier. Et en particulier sa mécanique aléatoire de tirage de thème lorsqu'un personnage est amené à inscrire une nouvelle phrase sur son personnage. J'ai particulièrement aimé ce guide à la création par les joueurs. Et j'ai décidé de l'appliquer dans Divergence

Lors d'une partie typique de Divergence les drones devront accomplir une tâche qui leur aura été confiée par le Sénat, comme aller explorer une zone encore vierge, prospecter un filon de minerai, installer des voies de communication ou une usine automatisée pour donner quelques exemples simples. Le projet qui leur sera confié comportera un nombre d'obstacles, négocié au préalable. A son tour, chaque joueur prendra le contrôle de la narration pour décrire aux autres l'obstacle, les joueurs décideront ensuite de la meilleure façon de le franchir, présenteront leur plan et les dés diront s'il réussi ou non. Introduire pour le narrateur d'un obstacle la nécessité d'un tirage sur une table aléatoire pour déterminer le thème de l'obstacle, tout en lui laissant toute liberté créative au sein de thème me parait une très bonne solution. Cela permet d'orienter les joueurs en mal d'inspiration, sans trop brider ceux qui ont une imagination débordante. 

Comme dans Divergence, l'univers de jeu est créé par la table de jeu au début d'une partie (en campagne ou en one-shot même si le jeu me parait plus viable en campagne pour le moment), le contenu de cette table aléatoire peut varier mais voici un premier aperçu de ce dont je parle, suivi par un exemple. 


d10
thème
d10
thème
1
Divergence
6
Végétation
2
Terrain
7
Indigènes
3
Climat
8
Ruines
4
Rupture
9
Ressources
5
Animaux
10
Etrange


Divergence : l’élément à l’origine de la divergence intervient ici, par exemple les drones ouvriers peuvent être touchés par une vague de divergence qui leur donne une autonomie temporaire, comme s’ils s’éveillaient d’un long rêve.
Terrain : l’obstacle est lié au terrain, une falaise à grimper, un marais à traverser, la suite de l’exploration demande de s’aventurer dans des grottes.
Climat : l’obstacle est lié au climat, d’importantes précipitations obligent à chercher un refuge, la sécheresse neutralise les circuits morphiques, une tornade fonce vers le groupe, un climat chaud et ensoleillé rappelle aux drones leur vie sur Terre…
Rupture : les drones ne sont pas les premiers divergents et certains vont trop loin et se séparent de la colonie. L’obstacle fait intervenir le thème de la rupture entre drones et colonie, par exemple en affrontant une troupe de drones en rupture à la recherche de ressources pour leur survie.
Animaux : l’obstacle est constitué d’animaux locaux, d’une meute de prédateur ayant pris les drones en chasse à un troupeau de ruminants refusant de laisser le passage aux joueurs. Une espèce rare dont l’habitat gène la mission des drones est aussi un bon exemple.
Végétation : l’obstacle est lié à la végétation : forêt luxuriante, jungle impénétrable, plantes rares et précieuses…
Indigènes : l’obstacle est lié à la présence ou l’action d’indigène, de la confrontation directe à des négociations commerciales, aussi complexe que nécessaire.  
Ruines : l’obstacle est lié à des ruines anciennes qui peuvent abriter des vestiges de civilisations antiques, ou être les restes d’une expédition précédente, ou ce que vous voulez…
Ressources : l’obstacle est lié à la présence inattendue de ressources, la perte de réserve ou des décisions à prendre en rapport avec elles.
Etrange : l’obstacle est lié à un phénomène étrange, mystérieux, qui peut avoir une explication physique ou pas. Mirage, intervention de forces inattendues, chute de météorite, il n’y a que l’embarras du choix.

Exemple : Muriel, Anne, Nicolas et François sont autour de la table; chacun incarne un couple drone/sénateur. Ils ont reçu la tâche d'aller installer une mine de fer automatisée dans une zone montagnarde à quelque distance du centre de la colonie. Leur projet implique 4 obstacles, un par joueur, dont la difficulté est croissante. D'après les statistiques de leur groupe, les 3 premiers ne devraient pas poser de problème alors que le dernier demandera plus d'efforts pour être résolu. Nicolas est désigné pour narrer le premier obstacle, il lance le dé et tire 2. L'obstacle qu'il doit décrire est le premier de la liste, et sera sur le thème du terrain. Prenant la narration en main il décrit comment un éboulement a bloqué la route préalablement installée par les drones jusqu'au filon qu'ils ont découvert. Plus tard, alors que l'éboulement a été résolu, c'est au tour d'Anne de décrire un obstacle. C'est le second obstacle, il sera donc plus difficile à franchir mais pas d'une difficulté insurmontable. Elle tire un 8 ; Ruines. Elle décide donc que les personnages, après avoir contourné l'éboulement parviennent au campement qu'ils avaient établi lors de leur mission précédente, mais qu'il a été dévasté et réduit en ruine par une force inconnue. Les drones doivent reconstruire avant de progresser dans leur mission. François prend ensuite la main et obtient un 1 : Divergence. Il décrit alors comment les drones ouvriers laissés sur place sont devenus fous et ont ravagé le camp, sous l'influence d'une perturbation mystérieuse de leur système. Il les fait d'ailleurs surgir des ruines, prêt à en découdre. Les personnages vont alors devoir les détruire ou trouver un moyen de les réinitialiser. Une fois la situation réglée, de justesse, par le groupe, le dernier obstacle de la mission s'annonce, entre les main de Muriel. Qui tire à nouveau un 2 ; un obstacle lié au terrain. Elle décrit alors la façon dont le sol se met à trembler alors que les drones ouvriers ont commencé à percer le sol jusqu'au filon pour tailler dans la roche les premiers tunnels. C'est toute la structure du pan de montagne où ils travaillent qui est instable ! Les personnages vont devoir trouver une solution pour régler le problème. C'est de plus le 4è obstacle, le plus difficile à franchir (en terme technique celui qui présente le plus haut seuil de difficulté).

Cet exemple est bien sur fictif (même si j'ai scrupuleusement respecté le résultat des dés). Il ne présente d'ailleurs qu'une mécanique du jeu, qui en fait intervenir un certain nombre d'autres dans l'affaire (comme le système de résolution) mais c'est une autre histoire.

Intentions et Reflexions

Au fil des réflexions et des premières discussions autour de Divergence (merci à Globo et Aurélien), deux thèmes principaux sont apparus : 
  • la notion d'identité, qui évolue au fur et à mesure que la divergence s'installe chez les personnages-joueurs; 
  • la colonisation et plus particulièrement, l'exploration d'une terre vierge. 
J'aimerai placer ces deux notions au centre du jeu, les ancrer dans le système de jeu même pour permettre à des joueurs éventuels de les explorer. 

Voici donc la première idée de Divergence, le point de départ du jeu : 

L’Arche vogue à travers les étoiles, et si elle va aussi vite que possible sans mettre en péril les colons qu’elle transporte elle n’arrivera pas jusqu’à Alpha avant des années. Sur Alpha, le Cargo est arrivé depuis longtemps, chargé de drones, des êtres artificiels capable de voyager beaucoup plus vite que l’Arche, beaucoup moins coûteux à transporter. Un vol inhabité a précédé le vol habité en somme. Une fois arrivés les drones s’animent, habités chacun par une copie de l’esprit d’un colon. Ils commencent à travailler et sont en contact régulier avec l’Arche. Ce n’est pas un contact permanent, cela demanderait beaucoup trop de ressources.
Puis soudain quelque chose se produit, les mises à jours connaissent des difficultés, les drones continuent leurs tâches, après tout ils sont les colons. Mais au fur et à mesure que le temps passe, ils se différencient, ils évoluent, ils divergent. Quel est le but de leur travail, préparer une terre d'accueil pour les colons ou aménager la planète à leur propre bénéfice ? Quelle loyauté vouent-ils aux colons ?

Pour mettre en avant ces notions et ce conflit interne, il semble intéressant de créer deux personnages : le colon original et le drone qui abrite sa copie. Plusieurs jeux exploitent cette dualité, comme Bloodlust avec les porteurs d'arme et les armes dieux; Wraith avec l'ombre et le fantôme; ou Eclipse Phase avec le système Ego et Morphe. 

Ces jeux présentent différentes manières de traiter le problème, et souvent différents modes de jeu : 
  • chaque joueur joue les deux composantes du personnages, et souvent l'un des deux passe un peu à la trappe. 
  • Chaque joueur joue une des composantes de son personnage et un autre joueur prend en main l'autre part du personnage. Ce système fonctionne bien pour Wraith ou Bloodlust, permettant à l'ombre/l'arme de murmurer à l'oreille du joueur pour influencer son personnage actif. Mais c'est éprouvant. 
  • Un joueur joue toutes les composantes secondaires, les autres joueurs jouent chacun leur composante primaire. C'est si je ne m'abuse le mode maître d'arme de Bloodlust. Le maître d'arme peut devenir une sorte de MJ secondaire et c'est un rôle qui ne convient pas à tous. 
  • Le MJ gère lui même toutes les composantes secondaires comme autant de PNJ. Je ne sais pas pour vous, mais j'ai tendance à oublier d'interpréter tous ces PNJ quand je maîtrise, appauvrissant le jeu. 
Pour Divergence, j'ai choisi de confier à chaque joueur la maîtrise des deux aspects de son personnage : le colon resté sur le vaisseau, que nous nommerons par défaut le sénateur, et le drone, travaillant sur la planète. Les tests diront si ce mode est efficace ou non, je testerai aussi certainement le second mode de jeu : chaque joueur joue son drone et le sénateur d'un autre joueur. Ou son sénateur et le drone d'un autre joueur, selon l'aspect à mettre en avant. 

Cette réflexion pousse aussi à s'intéresser au rôle du MJ. Doit-on viser un jeu à narration totalement partagée, sans MJ ? un jeu avec un MJ cantonné à certains rôles précis ? ou un jeu plus traditionnel avec des éléments de participation des joueurs mais un contrôle du monde laissé à un seul d'entre eux ? 

Plus je travaille sur ces idées, moins le MJ me semble essentiel, s'il doit y en avoir un, il faudra que son rôle soit à la fois motivant pour lui et évite d'écraser le contrôle narratif des joueurs. J'ai quelques pistes pour y arriver, mais c'est une autre histoire. 

Il était une fois la divergence.

Certaines histoires commencent en fanfare, d'autres dans une allée sombre et inquiétante. Celle-ci a débuté un après-midi de printemps, écrasé par la lumière parisienne et une chaleur estivale. J'étais assis à un bureau, face à une classe en train de plancher sur un examen. J'étais censé les surveiller, je tentais de donner le change. Mon esprit vagabondait nonchalamment en attendant que ces heures passent. Je ne sais plus exactement comment est née l'idée de ce projet. Les semaines précédentes avaient été nourries des récits d'écrivain d'Anne Fakhouri, que j'admire et que j'aime d'une amitié sincère et forte, qui est née sur un fraisier et a grandi avec les tic-tacs de l'Horloge du Temps Perdu. Peut-être ai-je voulu l'imiter dans un domaine qui me convenait mieux en écrivant une nouvelle de SF. 

J'ai posé les premières idées de Divergence à cette occasion, avec au coeur du projet une question probablement banale pour tous ceux qui ont pris le temps de penser à ces questions, mais qui pour moi était relativement nouvelle : Qu'est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Et si la somme de nos expériences est une des origines de notre identité, que se passerait-il si nous rencontrions un autre nous même, identique jusqu'à un certain point mais ayant divergé à un moment donné jusqu'à nous devenir étranger. 

Nous nous sommes tous demandé ce que nous serions devenu si nous avions fait d'autres choix, et souvent dans des moments où cette liberté de choisir nous semble avoir été dérobée. Mais Divergence ne devait pas être un projet sur la nostalgie ou les regrets mais une bonne histoire propice à une nouvelle, du moins le pensai-je. Je suis donc parti sur l'idée suivante : 
- Si une expédition coloniale prenait son essort vers une exoplanète, elle enverrai probablement en amont un vaisseau semi-automatisé pour préparer l'arrivée des colons. 
- un bon moyen de s'assurer que le travail serait bien fait, serait, à la manière d'Eclipse Phase, d'introduire une copie de l'esprit des colons dans les robots, les drones amenés à faire le gros oeuvre. 

Nous aurions donc des voyageurs dans une arche de colonisation voguant vers une planète rendue accueillante par une population laborieuse de drones présents sur place et habités de la personnalité des colons. 

Tout irait bien jusqu'à l'Incident à l'origine de la Divergence. Alors que des mises à jour régulières s'assuraient que l'esprit du colon en transit restait dominant et accueillait les informations apportées par la vie sur la planète, quelque chose arriva et perturba les mises à jour. Les drones commencèrent à évoluer de leur côté en attendant que l'Arche n'arrive sur place. Et ce fut la divergence qu devrait conduire des années plus tard à la rencontre d'un original avec sa copie divergente. 

Un an plus tard, la nouvelle n'a pas vu le jour, mais l'idée est restée, et grâce à la Cellule; c'est un jeu de rôle qui commence à émerger. Nous tâcherons de suivre ici les différentes évolutions du projet.