mardi 1 décembre 2015

Le Don des Dragons - Divergence en convention

Auteur de jeu de r le 

En ce dernier week-end de Novembre, je me suis rendu au Don des Dragons, l'excellente convention Strasbourgeoise de jeux, et en particulier de jeu de rôle. J'y portais un badge fourni par les organisateurs, indiquant "Auteur de jeu de r les". Pour être honnête j'ai eu l'impression d'avoir un peu usurpé cette étiquette. Moi, un auteur de jeu de rôles ? C'est à la fin de la troisième ronde de jdr, celle du dimanche, celle des courageux, que j'ai eu enfin l'impression de la mériter cette étiquette.Mais reprenons les choses depuis le début. ça fait un moment que j'ai envie de reprendre les tests sur Divergence, comme après chaque phase d'écriture. J'étais jusque là bloqué par un apparent paradoxe : comment présenter en un one-shot de convention, un jeu dont l'ambition est de se développer en campagne ? La réponse m'est venue aux Utopiales, après avoir découvert la solution pourtant évidente utilisée par exemple dans Headspace (l'autre jeu que j'ai maîtrisé au Don des Dragons) : placer la séance de jeu en convention au milieu d'une campagne. En faisant comme-ci les personnages jouaient déjà depuis un moment. 
Depuis quelques semaines, je développe un document de test à mes heures perdues pour permettre l'exercice. Je pense d'ailleurs l'intégrer au texte final du jeu, en expliquant la façon dont je l'ai conçu. Toujours est-il qu'armé de ce document, j'étais prêt à affronter le regard critique mais souvent bienveillant des rôlistes strasbourgeois.


Les Parties du Week-end

Samedi soir, j'ai maîtrisé une partie d'Headspace, dont je rebats les oreilles d'un peu tous les rôlsites de ma connaissance ces derniers temps, sur le podcast ou ailleurs. La traduction des playbooks réalisée à l'arrache il y a quelques semaines a été bien utile. Le groupe de jeu a été fantastique, 5 opérateurs se sont répartis les rôles, ont joué le jeu des questions qui anime la création de perso. La partie a été intense, drôle avec de grands éclats de rire alors que les joueurs n'hésitaient pas à mettre leurs super-agents dans des situations extrêmement délicates avant de les en sortir avec des prouesses dignes d'Ethan Hunt et de John McLane. Récemment John Wick nous expliquait dans l'interview de Willem la notion de "competence porn", on était en plein dedans, mais sans tomber dans l'excès grâce aux mécaniques de gestion émotionnelle d'Headspace.
Et donc dimanche midi, après une nuit fort courte, j'ai pu lancer ma partie de Divergence. Avant d'arriver j'avais deux inscrits sur 4, puis samedi un groupe de 3 joueurs est venu s'inscrire là où il restait des places. Comme j'étais présent sur le stand des inscriptions aux parties, j'ai pu accepter d'ajouter une place. Evidemment j'ai du créer un prétiré de plus. Bien sur on m'avait dit "attention t'as un joueur un peu boulet, il part dans tous les sens alors il faut lui dire et y'a aucun soucis il se calme". Des conditions peu idéales à première vues, mais j'étais là, j'avais beau avoir un peu le trac, il fallait bien que je me lance.
J'ai bien fait. Ce fut une excellente partie, le "boulet" s'est révélé être un moteur de jeu testant une ou deux fois les limites en toute bonne foi, et participant au jeu du groupe ensuite sans aucune difficulté. Le pack de 3 a été excellent, sachant se mélanger aux autres quand il le fallait, mais conservant la dynamique des amis rôlistes de longue date. Bref un groupe excellent, bienveillant, prêt à tester le système, voulant découvrir le jeu, posant les bonnes questions quand j'avais oublié des éléments.


Divergence - Rapport de partie

En tant que MJ l'expérience a été fructueuse : ne pas jeter de dés, utiliser des complications matérialisées pour faire avancer l'histoire sur les séquences que j'avais prévues à l'avance, en modifiant le contenu en fonction des actions des joueurs a été facile. 
Samedi après-midi, j'ai eu le plaisir de découvrir 1%, un jeu de biker façon sons of anarchy. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais, ça avait l'air sympa et c'était en compagnie de gens cool. J'ai beaucoup aimé de me glisser dans la peau d'un biker geek, petit escroc à la morale flexible. J'ai apprécié l'immersion, renforcée par le vocabulaire du jeu, par le système de tatouage nouvellement mis en place qui remplace aspects et compétences. J'ai apprécié aussi les choix que nous avons eu à faire pendant cette partie, qu'ils soient moraux ou pratiques. Bref une superbe expérience, chapeau bas à monsieur Steve Goffaux, venu proposer son jeu malgré des circonstances particulières.

Nous avons joué sur la planète au soleil bleu créée lors des playtests précédents, mais un peu plus tard dans la campagne. Des personnages prétirés ont été distribués, les règles présentées plus ou moins brièvement, la situation présentée. Puis nous avons commencé à jouer.

Contexte
Dans Divergence, la première phase de jeu est une réunion du sénat de l'arche pendant laquelle des propositions de résolution sont discutées puis adoptées ou rejetées. Dans un jeu en campagne, cette phase commence par des négociations entre les personnages et leurs contacts pour pouvoir bénéficier de leurs voix pendant les votes. Dans le cadre de la démo, les personnages démarrent en ayant connaissance des exigences de leurs contacts.

Déroulement
Nous commençons par un discours sommaire et plutôt sobre de la part d'un sénateur désirant établir un moratoire de 5 ans sur l'exploration et l'exploitation des ruines aliens de la planète. Certains personnages présents à la table ont des instructions à propos de cette proposition, d'autre pas. Sachant qu'ils sont libre de respecter ce qui leur est demandé ou pas. Les joueurs interviennent tour à tour en tant que politiciens sur le sujet, exploitant le petit rituel mis en place pour le sujet (chaque personnage dispose de champs d'activités dans lesquels il est reconnu comme expert, s'il déclare "en tant qu'expert" du domaine, il gagne des voix supplémentaires si le domaine s'applique). Les discussions sont animées, et franchement j'ai eu beaucoup de chance avec cette table de test : ils se prennent au jeu, tentent des manipulations politiques, utilisent les armes à leur disposition et s'opposent verbalement avant que le vote ne soit lancés, en se basant sur les personnalités de leurs personnages, sur leurs intérêts mais surtout en réfléchissant vraiment au problème. L'objectif de la discussion est parfaitement atteint : une opposition basée sur des différences d'opinions sur ce qui est le mieux pour la colonie. De la politique sincère et authentique (plutôt que de la manipulation politicienne). On lance le vote.

Technique
Outre le rituel d'obtention de voix supplémentaires, le système est très léger pendant les discours au sénat. En tant que MJ j'écoute les arguments, je me laisse volontiers convaincre et manipuler. Nous procédons au vote secret : pour ce faire chaque joueur prends autant de billes noires et de billes bleues qu'il compte utiliser de voix pour le scrutin. Sous un chapeau (les moyens du bord) qui cache aux autres ce qu'il fait, il place autant de billes que de voix exprimées dans un sachet de velours puis remets les billes excédentaires dans leurs réserves. Le joueur suivant vote ensuite, et quand tous ont voté, on vide le sachet et on compte les voix. Si le vote passe, les personnages l'ayant proposé ou l'ayant soutenu publiquement, gagnent une des monnaies du jeu, du prestige.

Conclusion
Le premier vote s'est bien passé, mais nous avons décidé de passer rapidement sur les suivants. Dans les règles 5 joueurs c'est 5 opportunités de discussion, et il serait dommage de ne pas en faire usage. Certes les dernières propositions ont moins de chance de passer, mais dans le cadre d'une démo de convention, cela prendrait trop de temps de laisser l'opportunité à chacun de proposer une résolution. Les joueurs ont apprécié le système, ont merveilleusement joué le jeu, et ont perçu les subtilités du système. Un des commentaires suggère que cette phase deviendrai passionnante en campagne, avec les alliances qui se tissent et se défont, les personnages gagnant un véritable passé politique au fil du jeu. C'est presque plus que je n'en espérais. Autre point de réflexion : l'anonymat des votes n'est pas simple à mettre en place, un système de cartes est suggéré pour remplacer les billes de verres utilisées jusque là. Mais on y perd le parallèle avec le monde antique, qui résonne vraiment bien avec la notion de sénat. 

Nous avons ensuite fait une pause avant de passer à la suite du jeu, la phase des drones, se déroulant sur la planète. Cette première phase aura duré environ une heure.

Les personnages font face à plusieurs défis, plus ou moins liés au contexte de la démo de convention. Je vais éviter de divulgâcher en racontant trop d'éléments de la fiction. Sur la planète les drones sont confrontés à plusieurs problèmes (approvisionnement, agitation des indigènes, pollution de l'environnement, conditions climatiques locales). Ils décident de leurs priorités et en tant que MJ je fais avancer les différents éléments au cours de la partie en dépensant les complications de ma reserve (initiales plus générées pendant le jeu). Pour cette partie j'ai testé un système : chaque complication est représentée par un jeton placé en face de moi, visible de tous. Les dépenses sont faites devant tout le monde mais si la complication se déroule hors champ (loin de la fenêtre narrative décrite pas wenlock dans ses carnets ludo graphiques), je n'explique pas en quoi elle consiste, juste qu'elle a lieu. 

Alors que nous gérons les différentes actions, le système tourne bien, les joueurs hésitent parfois à miser trop gros, et à générer des complications. La prise en main du principe est rapide et agréable à jouer. Je me suis rendu compte que j'avais tendance à faire évoluer ma façon d'utiliser le système de jeu. 

Ce que j'avais prévu : une action donnée se voit attribuer une difficulté : 6, 10, 14 etc... On obtient des bénéfices par des doubles sur les lancés de dés, et en choisissant de prendre des risques ( Seuil final = Qualité de réussite x seuil initial), on obtient alors autant de bénéfices que la qualité de réussite. Chaque bénéfice permet d'acheter des avantages ou d'introduire des éléments dans l'histoire.  Un bénéfice permet de réussir l'action. 

Ce que j'ai utilisé : les actions ont le plus souvent un seuil de base de 6, la règles pour les bénéfices est la même mais la complexité ou l'étendue d'une action dépend du nombre de bénéfices nécessaire pour la réussite. Au lieu de dire, "cette action est difficile le seuil de base est 14", j'ai dit "cette action est difficile il me faut 3 bénéfices pour en venir à bout". 

Je ne sais pas quelle est la meilleure solution. D'un côté c'est une véritable simplification (et qui en appelle peut être d'autres) de dire : cette action demande 3 bénéfices pour être menée à bien. Mais l'ajustement du seuil de base permet d'introduire une certaine granularité. Avec la version utilisée je me retrouve finalement assez proche de la gestion de la difficulté du cypher system (de 6 en 6 plutôt que de 3 en 3). C'est fluide, facile à interpréter, mais ça élimine un point que j'appréciais beaucoup : un bénéfice permet de réussir l'action, qu'il vienne d'un double ou du dépassement du seuil prévu. Il va falloir continuer de fouiller dans cette direction, et voir si on ne peut pas encore simplifier les choses. 

Pour les joueurs en tous cas, la version utilisée a sembler fonctionner très naturellement. De même que la mécanique des complications, même s'ils ont au départ un peu hésité à lancer la machine. L'idée d'avoir à disposition des complications de réserve (dont la quantité dépend de la divergence des personnages) a finalement permis d'amorcer quand même la machine. On se retrouve finalement avec le même phénomène que lors des jeux à "monnaie" : il faut faire circuler les points pour que le jeu tourne. Lorsque je suis arrivé à court de complications, les joueurs se sont mis à prendre plus de risques, rassurés que je puisse plus rien contre eux, générant à nouveau des complications de mon côté qui me permettaient d'influencer l'histoire.